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L’agriculture est constamment en évolution, et l’évolution dont nous avons seulement parlé implicitement sur ce blog est l’agriculture connectée. A quoi cela correspond-il ? Concrètement où en sommes-nous et quelles sont les perspectives à envisager ? Pour répondre à ces questions, nous avons interviewé Emmanuel Diner, fondateur d’« Agriculture Connectée Magazine ».
"Bonjour Yara. J’ai une formation d’ingénieur agronome (INA P-G) et je souhaitais comprendre tout ce qui se passait autour des technologies numériques appliquées à l’agriculture. J’ai eu beaucoup de mal au début (le projet date de 2014) à trouver de l’information. Et je me suis dit que je ne devais pas être seul dans ce cas. J’ai donc décidé de créer le magazine Agriculture Connectée Magazine, pour que tous les acteurs du monde agricole disposent d’un site dédié à ce sujet."
"Depuis plusieurs années les agriculteurs utilisent des outils informatiques pour accomplir différentes tâches, administratives d’abord, puis techniques (robots de traites, outils d’aide aux réglages des machines, cartes satellites pour épandage d’azote, prévision météo, cours des matières premières, …). Mais depuis quelque temps, on commence à pouvoir connecter « sans fil » tous ces systèmes les uns avec les autres, à les faire fonctionner ensemble pour obtenir un service supplémentaire. A l’inverse d’un outil attelé mécaniquement au tracteur.
Ma « définition » de l’Agriculture Connectée, ce serait donc l’ensemble des technologies et des services qui permettent de faire fonctionner ensemble les outils de la ferme, ou qui sont utilisés par ces mêmes outils, par un lien non mécanique ». Cela fait quelques années que dans le monde agricole, nous utilisons des outils informatiques pour aider à prendre des décisions. Ce qui commence à émerger, c’est la capacité à les faire fonctionner les uns avec les autres.
En d’autres mots, aujourd’hui nous sommes capables de récolter des données, et les injecter dans un autre système, qui va lui-même générer un nouveau jeu de données. Tout cela aura pour finalité de donner un conseil à l’agriculteur.
En résumé, nous passons d’une époque où les outils fonctionnaient indépendamment les uns des autres, à des outils qui fonctionnent ensemble de manière intégrée."
"J’ai trois exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit.
Le premier est celui d’une technologie de puces RFID collées sur les bidons de produits phytosanitaires. Un capteur est situé au dessus de la porte du local de stockage et dès qu’un bidon sort, le capteur reçoit le signal et envoie un message automatiquement dans le logiciel de gestion de l’exploitation.
Il y a aussi des stations météo connectées par des réseaux bas débit. Les données météo sont envoyées dans les logiciels de prévision d’attaque des maladies des plantes, comme la fusariose et la septoriose ou encore le mildiou de la pomme de terre. L’information météo est traitée en temps réel et l’agriculteur reçoit, toujours en temps réel, une information sur son smartphone sur le risque maladie. Il peut donc décider de ne pas traiter, alors que par précaution il avait l’habitude de le faire. Et l’inverse est vrai aussi.
Autre exemple, celui des boitiers qui s’installent dans les tracteurs, munis de puces GPS entre autres, qui enregistrent les mouvements exacts des matériels et remplissent automatiquement les carnets numériques d’utilisation. Très pratique pour les CUMA notamment"
"Ce sont deux choses différentes. Aujourd’hui la plupart des technologies utilisées par l’agriculture connectée ne font pas appel au « Big Data ». Elles utilisent des données mais qui sont formatées, décrites. Le Big Data, c’est vraiment la capacité trouver de l’information pertinente, à partir d’une quantité de données très importante et qui en plus, à première vue, n’ont pas vraiment de rapport entre elles.
En France, il y a surtout des projets en cours d’utilisation de données dites « Open Data », c’est-à-dire qu’elles sont connues, décrites, comprises et normées. Comme le projet API-Agro ou encore les classes de données construites par AGRO-EDI Europe."
"La France, avec les DOM-TOM, est un pays qui possède une très grande variété de systèmes agricoles. C’est donc une chance car chaque système peut devenir un point de départ pour le développement d’une technologie ou bien un « centre d’essais » pour des technologies développées ailleurs.
Il y a de nombreuses start-ups qui se sont créées et l’essentiel des acteurs de l’agro-fourniture se lancent également dans l’innovation numérique, déjà pour commencer à s’approprier ces nouveaux outils.
La distribution agricole n’est pas en reste, beaucoup cherchant à créer leur propre « ferme numérique », sorte de démonstrateur des nouveaux services proposés aux adhérents ou aux clients.
Maintenant est-ce que la France innove ? Il y a assurément de nombreux projets et de nombreuses initiatives, mais l’un des indicateurs serait le nombre de brevets déposés par des sociétés françaises, et je n’ai pas cette information."
"Le numérique n’est pas nouveau : le minitel, l’ordinateur, internet puis les smartphones sont arrivés il y a déjà plusieurs années, et les agriculteurs s’y sont très bien adaptés. Le numérique fait donc partie intégrante de la vie des agriculteurs. La question qui revient lorsqu’il y a un nouvel outil numérique est « Quel est le rapport coût/bénéfice ? ». Si ce rapport est favorable à l’agriculteur sera forcément plus enclin à y faire attention.
Nous sommes encore en train de démontrer l’intérêt pour les agriculteurs. Economiquement parlant en premier lieu, et est-ce que ces outils permettent également de gagner du temps ?
Il y a aussi le phénomène communautaire et les réseaux sociaux, le #co-farming qui semble se développer car répondant à un vrai besoin et les médias sociaux qui permettent à un nombre toujours plus grand d’agriculteurs de reprendre possession de leur métier, de le présenter positivement.
La perception est donc plutôt bonne. Quand à la crainte de voir des robots et l’intelligence artificielle remplacer les agriculteurs dans les champs … pas pour tout de suite."
"Il n’y a pas réellement de réponse à cette question, tout dépend de la volonté et du profil de l’agriculteur. Mais aujourd’hui n’importe quelle société qui cherche à commercialiser ses services va mettre en place des formations, des numéros de téléphone pour le conseil…
Les outils peuvent également être commercialisés par les coopératives ou les négoces, ils ont également leur rôle à jouer, car ce sont les contacts privilégiés des agriculteurs.
Et puis il peut aussi y avoir Agriculture Connectée Magazine, site gratuit sur lequel les agriculteurs peuvent trouver de l’information. Et nous avons plusieurs projets en cours pour faciliter l’accès des agriculteurs à l’information."
"On commence à avoir des systèmes, des technologies qui vont permettre de proposer des services à tous les échelons du métier d’agriculteur (machinisme, gestion d’entreprise, gestion du vivant).
On pourrait également parler des nouveaux outils en zootechnie, c’est certes moins médiatisé, mais ce n’est pas pour autant que rien ne bouge, au contraire."
"La donnée va devenir incontournable dans la gestion de l’exploitation agricole. La génération de données et la mise à disposition vont aussi devenir incontournables. Petit à petit, les agriculteurs auront à partager certaines de leurs données pour récupérer derrière un conseil pertinent en partie construit sur les données qu’ils ont eux-mêmes fournies, et non simplement des données qui leur sont étrangères.
Cela arrive également avec son lot de questions : Par qui sont-elles utilisées ? Pourquoi ? Seront-elles revendues ? Le secteur agricole doit maîtriser sa croissance numérique pour ne pas tomber dans une crise des données."
Merci Emmanuel Diner, fondateur d’« Agriculture Connectée Magazine », d’avoir répondu à nos questions.